Accès aux soins non programmés

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Acces soins non programmes
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Elément essentiel au service des usagers de notre système de santé, le recours aux services d’accueil des urgences (SU), comme modalité de réponse aux soins non programmés, est préoccupant au regard de la croissance continue de l’activité. Des évolutions nombreuses ont marqué cette activité ces dix dernières années, en particulier depuis les décrets de 2006.

Elément essentiel au service des usagers de notre système de santé, le recours aux services d’accueil des urgences (SU), comme modalité de réponse aux soins non programmés, est préoccupant au regard de la croissance continue de l’activité. Des évolutions nombreuses ont marqué cette activité ces dix dernières années, en particulier depuis les décrets de 2006 et les plans successifs qui ont permis d’améliorer considérablement l’efficience de la réponse en la matière. Mais, malgré les progrès accomplis dans la région et le chemin restant sans doute à parcourir, les données disponibles montrent que le sujet reste devant nous malgré les progrès accomplis dans la région. En effet, les réponses à la demande de soins non programmés sont plurielles et doivent être articulées dans le temps et l’espace, tenant compte de la réalité de chaque territoire.

La bonne connaissance du phénomène est une première étape. Une des avancées significatives du PRS1 fut la mise en place d’une mission d’observation des passages aux urgences, positionnée au niveau de l’ORS des Pays de la Loire. Elle fournit des données à la fois quantitatives et qualitatives basées sur les Résumés de Passage aux urgences (RPU), disponibles aujourd’hui par établissement siège de service d’accueil des urgences sur tous les territoires.

L’ARS propose d’appréhender le sujet en se plaçant résolument du point de vue de l’usager, et d’aller au-delà de la seule levée du goulot d’étranglement d’aval des urgences au sein de l’hôpital. Il s’agir d’élargir le champ d’observation en s’affranchissant au mieux d’une approche trop segmentée (offre libérale versus offre hospitalière, premier recours versus second recours, heures de permanence des soins (PDS) versus hors heures PDS), pour construire les réponses sur la base de la genèse des demandes et des trajectoires observées.

La parole d’un usager s’exprimant dans une instance de démocratie sanitaire illustre la problématique qu’il s’agit de résoudre : « en fin d’après-midi, si j’ai besoin inopinément d’un avis médical, j’attends 20 h afin d’être sûr d’avoir une réponse le jour-même ».

La région Pays de la Loire a comptabilisé 863 000 passages aux urgences en 2015 (918 000 en 2016). Rapporté à la population, c’est l’un des taux les plus faibles des régions françaises avec des variations territoriales très importantes (de 20 à plus de 400 passages par jour). Par contre, avec 3,7 % d’augmentation régulière chaque année, la croissance du recours est plus importante que dans le reste de la France. Cette augmentation est aussi variable selon les territoires. Tout en restant prudent sur la qualité de la donnée, un nombre non négligeable, 13 % de ces passages, concerne des problèmes de santé d’un niveau de gravité faible1.

Par ailleurs, le nombre jours de « tensions » annuellement déclarés à l’ARS par les établissements, fondé sur les critères du dispositif « hôpital en tension », s’établit à 824 jours cumulés sur les trois dernières années. Cela représente 2,3 années pleines de « tension ». Cependant, ces tensions « déclarées » varient fortement dans le temps, entre 0 et 130 jours, et dans l’espace, fortement induites par des déterminants prévisibles pour l’essentiel : afflux estival pour les départements côtiers, épidémies automno-hivernales en particulier dans les territoires urbains.

L’analyse de la situation et une bonne problématisation sont la deuxième étape à franchir. Le territoire représente un premier niveau d’enseignement. Les réponses doivent tenir compte de la réalité de chaque territoire en termes de composition sociodémographique, de variations infra-annuelles des recours, de comportement des usagers, de réponses disponibles, en particulier là où la ressource médicale se fait rare.

Bien entendu, les variations de recours aux urgences sont liées aux phénomènes épidémiologiques connus, voire prévisibles (grippes, bronchiolites, gastro, pathologies liées à la chaleur, afflux estival…), ou plus structurels (liés au vieillissement de la population et au développement des maladies chroniques).

Mais elles tiennent également dans une large mesure aux comportements des usagers face à un besoin inopiné de soins, fonction de leur perception des ressources disponibles sur leur territoire. C’est donc sur la notion de « soins non programmés » que notre analyse met la focale plutôt que sur la seule notion d’urgence.

Cette approche nous invite en effet à nous décentrer de la seule réponse offerte par les structures d’urgence, réponse indispensable, 24h sur 24, mais souvent utilisée par défaut, afin d’appréhender le sujet plus globalement, centré sur l’usager. Elle nous invite également à prendre en compte dans l’analyse les conséquences sur les décisions de l’usager de la segmentation horaire de la journée et de la semaine entre période dite de permanence des soins (la garde) et période dite de continuité des soins (heures d’ouverture des cabinets médicaux).

En effet, cette double segmentation, entre services d’urgences et cabinets médicaux d’une part et entre période de permanence des soins et période de continuité des soins, reflet du cadre d’organisation particulier de la réponse aux situations d’urgence, conduit l’usager à privilégier le dispositif d’urgence qu’il perçoit comme plus réactif devant un besoin de soin inopiné.

Comme le préconise la Cour des Comptes dans son rapport de 2014, produire une réponse efficiente afin de faire face à la croissance de l’activité des SU doit être le fruit d’une « articulation avec la médecine de ville à repenser »… et pas seulement aux heures de PDS.

Cette approche est justifiée par les données de flux observables des passages aux urgences aux « heures ouvrables », les tensions sur l’offre des SU résultant pour une partie sans doute non négligeable des recours intervenant avant la bascule aux heures dites de PDS. Ce qui dans une région où le dispositif de PDSA a bénéficié d’un fort investissement avec des résultats probants fondés sur une approche intégrée et collective de la réponse entre acteurs, en particulier entre ville et hôpital reflète la rançon du succès. Et confirme l’observation de la Cours des Comptes : La qualité de l’organisation de la permanence des soins et son articulation efficiente ville-hôpital apporte des réponses plus performantes et donc attractives.

Par ailleurs, dans un cadre d’incitation toujours plus forte de construction de parcours coordonnés entre acteurs, le recours systématique à la permanence des soins ambulatoire ou au service des urgences pour des besoins de soins non programmés est le témoin d’une rupture de parcours.

Il ne s’agit pas pour autant d’opposer réponse libérale versus hospitalière. L’étude de 2004 de la DREES a montré que la médecine non hospitalière « absorbe » par an 35 000 000 de recours en termes de soins non programmés versus 14 000 000 pour les SU. L’organisation efficiente de la réponse en dehors des heures de PDS reste un sujet qui devrait concerner collectivement les acteurs du territoire sans les opposer.

En effet en termes d’efficience médico-économique, si on considère un coût moyen de 161 euros par passage dans une structure d’urgence (estimation Cours des Comptes), les seuls passages de faible gravité (CCMU1) représentent à eux seuls un peu plus de 22 millions d’euros par an à l’exclusion  de nombreux passages dits de CCMU2 (73 %) qui peuvent également être très majoritairement interrogés en termes de pertinence de recours.

Compte tenu de ces enjeux systémiques, il a été décidé de faire de la qualité de la réponse aux soins non programmés, un objectif du PRS qui sera abordé à la fois sous l’angle du parcours de l’usager et sous l’angle de l’organisation territoriale des acteurs.

Le cadre méthodologique suivant a été appliqué pour conduire les travaux :

  • Un diagnostic territorial chiffré et partagé. Avec les limites de l’exercice dans la mesure où certaines données manquent (exercice libéral hors PDS) ou sont qualitativement délicates à manier (appréciation du niveau de gravité dans les résumés de passage aux urgences).

  • Une analyse de la littérature existante afin de parfaire notre compréhension mutuelle des mécanismes générateurs de la demande de soins non programmés (études DRESS) dans l’espoir d’agir sur cette demande (prévention) et sur les comportements des usagers eux-mêmes (responsabilisation). Elle s’appuie sur les études de la DRESS mais devra également explorer ce que d’autres pays / régions, ont pu faire ou mettre en place et tirer parti de l’expérience acquise dans chaque territoire de nombres de dispositifs existants.

  • Une exploration des champs du possible en terme d’actions, parfois innovantes, pour chaque territoire, et concernant l’ensemble des acteurs potentiels de la réponse, s’appuyant sur les outils que la loi met à notre disposition. Deux outils sont apparus à tout le moins incontournables à prendre en compte :

    • Les PMP des GHT forcément, et le sujet fait partie intégrante des attendus de l’agence dans le cadre des futurs projets médicaux partagés (équipes territoriales d’urgentistes, fluidification des filières d’aval, …).

    • Les futures communautés professionnelles de territoire de santé, leurs projets de territoire et leur contrat d’objectif que le territoire dispose déjà de MSP ou non. Ce qui passe naturellement par une concertation avec les acteurs de la profession.

  • Une modélisation des réponses qui tiennent possible compte de toute les situations conjoncturelles et des contraintes structurelles jusqu’aux situations sanitaires les plus exceptionnelles. Dans ces réponses, il semble que le sujet de l’orientation des patients sera un enjeu majeur de réussite dans un système qui reste peu lisible en dehors des heures de la PDS quand on sait que 2/3 des recours se font alors sans contact préalable avec un acteur du soin (Etude DREES 2004).

Afin d’avancer concrètement sur le sujet, il est apparu pertinent de mettre à profit l’analyse des difficultés rencontrées sur certains territoires. Un Retour d’Expérience « territorialisé » approfondi dans le territoire de saint Nazaire régulièrement sous tension a été conduit sur la base d’une méthodologie rigoureuse avec l’appui de consultants extérieurs.

Les travaux ont été complétés d’une étude, lancée avant l’été sur la perception du fonctionnement des urgences et des soins non programmés et commandés par la commission spécialisée du droit des usagers de la CRSA des Pays de la Loire.

La problématique a ainsi pu être clarifiée soulevant la question ainsi formulée :

Comment améliorer significativement la qualité de la réponse aux besoins inopinés de soins (demande de soins non programmés) en particulier hors heures de PDSA sans risquer de dégrader les réponses aux soins urgents pouvant engager le pronostic vital. Comment dépasser le levier du dimensionnement de l’offre, en agissant plutôt sur la pertinence de la réponse, en associant l’usager (information, éducation) et les professionnels du premier recours.

Objectif général : Améliorer la réponse apportée aux demandes de soins non programmés, dans une logique de continuité de parcours du patient.

Proposition 1 : Se doter d’un système d’information en temps réel performant afin de :  

Adapter l’offre aux variations de la demande de soins :

  • Définir et construire des indicateurs de tension/alerte susceptible d’anticiper les tensions en amont (ex : temps d’attente, appels non décrochés, nombre de patients présents à certaines heures au sein des SU,  …) mais aussi en aval (patients en attente de sorties, …)

  • Disposer par territoires d’un SI intégré (soins non programmés) facilitant le partage en temps continu d’informations entre les acteurs afin de faciliter la coordination/coopération des acteurs et évaluer à terme les améliorations obtenues sur les réponses

  • Disposer d’informations pertinentes sur l’activité des MG en particulier en dehors des heures de la PDSA

  • Consolider les outils existants (qualité, exhaustivité) en particulier RPU, SI SAMU (dans le cadre du projet ARESA)

Analyser et comprendre les périodes de tension.

  • Accompagner les hôpitaux en tension, et suivre les effets des mesures prises.

  • Réaliser une analyse multifactorielle des périodes de tension.

Proposition 2 : Améliorer l’accès aux soins urgents et non programmés

Garantir au patient une réponse pertinente et efficiente à sa demande de soins.

  • Garantir la continuité de parcours en cas de demande de soins inopinés.

  • Assurer une réponse de médecine générale aux demandes de soins inopinés H24

Garantir l’accès en moins de 30 minutes aux structures d’urgences pour les demandes de soins nécessitant l’accès à un plateau technique.

Disposer de SU pouvant offrir 24/24 une réponse de qualité

Disposer d’une régulation des appels urgents et des demandes de soins non programmés de qualité 24h/24

Améliorer l’organisation de la réponse ambulatoire aux demandes de soins non programmés  (premiers recours et second recours)

Intégrer les nouveaux dispositifs réglementaires et conventionnels comme leviers de l’organisation des soins non programmés.

Renforcer la fluidité du parcours des patients en aval des urgences.

Proposition 3 : améliorer la pertinence des recours et la qualité de la réponse

Réduire les recours inappropriés aux urgences.

Adapter la médecine de premier recours aux demandes de soins non programmés en améliorant la disponibilité de la médecine générale pour les demandes de soins inopinés et la visibilité de la disponibilité des médecins généralistes par les régulateurs..

Mieux informer le patient sur les réponses pertinentes aux demandes de soins

Développer des dispositifs innovants dans un objectif de continuité de parcours et de densification de l’offre de soins.

Garantir la qualité des services d’urgences, en tenant compte des constats faits dans le cadre de l’enquête usagers.

Améliorer le dispositif Hôpital en tension.

Mobiliser les autres acteurs de santé : pharmaciens, infirmiers etc.

Proposition 4 : Décliner les objectifs auprès des parties prenantes

Actions vers les soins de premier recours

Organiser l’effection pour les demandes de soins inopinés de médecine générale, en privilégiant une évolution de l’offre existante à la création de nouvelles structures.

Améliorer la disponibilité de la médecine générale pour les demandes de soins inopinés

Améliorer la visibilité de la disponibilité des médecins généralistes par les régulateurs en expérimentant un dispositif entre généralistes et régulateurs.

Finaliser le maillage des MMG et MSP.

Mettre en œuvre des expérimentations d’organisations  innovantes relatives aux soins inopinés, par appel à projet

Promouvoir l’accompagnement et le développement des MSP et la possibilité de mutualisation des locaux.

Développer la télé prescription en lien avec les pharmaciens.

Actions vers les établissements sanitaires

Faire des urgences un volet du CPOM

Définir une feuille de route régionale pour la mise en place des équipes territoriales d’urgences.

Intégrer le SU privé à l’organisation territoriale des urgences

Finaliser l’organisation des équipes territoriales d’urgences

S’assurer de la qualité du fonctionnement des SU en réalisant régulièrement un benchmark de leur fonctionnement sur la base de l’autodiagnostic de l’ANAP dans chaque structure d’urgence

Dans la cadre du PTSM, organiser la prise en charge du patient de santé mentale afin d’éviter le passage systématique par les SU et de faciliter l’accès direct à un avis spécialisé.

Action vers les SMUR

Disposer et mettre en œuvre des règles communes d’engagement des vecteurs mobiles (SMUR, Hélismur) et éventuellement ajuster en conséquence le schéma d’implantation sur certains territoires.

Expertiser l’activité de SMUR pédiatrique et éventuellement reconnaître une implantation de SMUR pédiatrique dans la mesure où les conditions de fonctionnement sont conformes et que l’activité le légitime  

Actions vers les structures de régulation

Conforter la mise en place du numéro d’appel unique de régulation libérale

Ajuster les moyens de la régulation en les adaptant à l’évolution du flux de demandes

Expérimenter sur la base du volontariat un dispositif de visualisation par le C15 des disponibilités proposées par des médecins de premiers recours.

Actions sur les systèmes d’informations

Développer le répertoire opérationnel des ressources et l’étendre aux soins de premier recours (MSP)

Se doter d’un outil de mesure en temps réel de l’activité de médecine générale.

Intégrer les RPU dans la surveillance quotidienne

Harmoniser les indicateurs de tensions hospitalières

Actions d’appui et d’accompagnement de l’ARS

Réaliser régulièrement des campagnes d’information à destination des usagers les incitant notamment à recourir à la régulation en cas de demande de soins non programmés

Optimiser le dispositif hôpital en tension afin de rendre plus cohérent les indicateurs de tension hospitalière, et plus efficaces les mesures prises par les établissements.

Assurer un meilleur accompagnement par l’ARS des établissements en tension en s’appuyant sur des référents identifiés au sein des établissements concernés.

Anticiper les tensions hospitalières par une organisation coordonnée.

Intégrer dans les CPOM le volet Urgences du GHT.

Etat des implantations en 2017

implantations 2017 solutions alternatives urgences

Carte d’implantation des Maisons de santé pluri professionnelles et carte des zones fragiles

Carte d’implantation des Maisons de santé pluri professionnelles et carte des zones fragiles
carte population totale des zones fragiles

Figure 1: Implantation des services d’accueil et d’urgences

figure 1 implantation des services accueil urgences

Figure 2: Implantation des SAMU

figure 2 implantation samu

Figure 3: Implantation des SMUR et antennes SMUR

figure 3 implantation smur et antennes smur

  • Constitution d’un groupe interface ad ’hoc (4 réunions)

  • Contributions externes (membres du groupe interface)

  • Fiche-type de recueil des besoins/ offre sanitaire renseignée

  • Cartes des Structures d’urgences et SAMU

  • Cartes des MSP et MMG

  • Analyse de la littérature

  • Etudes CRSA usagers et SU

  • Etudes sur le territoire de Saint Nazaire (KPMG)

  • Réalisation de profils établissements et rapport de l’ORU basés sur RPU avec l’ORS

1 Niveau de gravité qualifié dans le rapport de la SFMU (Société Française de Médecine d’Urgence) de 2005 de « passages où l’état clinique est jugé stable et le recours aux services d’accueil des urgences injustifié ».

Aller plus loin

Les livrets du PRS

Ce livret du PRS fait partie de la collection de documents constitutifs du Projet Régional de santé 2018-2022 (PRS).

Il constitue l’un des documents d’évaluation des besoins de santé du PRS

Il complète l’analyse des besoins qui figure dans la fiche « Médecine d’Urgence » du schéma régional de santé dans sa partie consacrée aux implantations des Activités Soumises à Autorisation.

Il reflète les travaux conduits en 2016 et 2017 par l’Agence Régionale de Santé avec ses partenaires pour l’évaluation des besoins sanitaires de la région.

Il trace les perspectives d’évolution dans une vision prospective à 10 ans et sa traduction opérationnelle à cinq ans.