L’EHPAD de demain

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Ehpad de demain
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Le vieillissement de la population et le souhait majoritaire des personnes de vieillir à domicile induisent une évolution du public accueilli en EHPAD et des besoins d’accompagnement, requestionnant le rôle des EHPAD. Une réflexion partagée avec les acteurs doit s'engager pour penser l'EHPAD de demain.

Le vieillissement croissant de la population ligérienne, le souhait majoritaire des personnes de vieillir à domicile ou d’y rester le plus longtemps possible induisent depuis quelques années et encore plus demain une évolution du public accueilli en EHPAD et des besoins d’accompagnement. L’augmentation du niveau de dépendance et du besoin en soins des résidents amènent les EHPAD à re-questionner leurs projets d’établissements qui doivent à la fois concilier maintien de l’autonomie, participation sociale et accroissement des soins, prévention des risques professionnels ou encore mobilisation des ressources du territoire sanitaires ou ambulatoires. Parallèlement, le maintien à domicile des personnes âgées implique le passage d’une logique « structure » à une logique de « prestations de services » dans laquelle l’EHPAD doit s’inscrire. Une réflexion partagée avec le secteur médico social doit s’engager pour accompagner les évolutions des EHPAD dans les années à venir et penser l’« l’EHPAD de demain ».

Les acteurs œuvrant pour la prise en charge des personnes âgées dépendantes seront confrontés dans les années à venir à trois défis :

  • Défi médical lié à l’augmentation des besoins en soins (élévation du niveau de dépendance des résidents entrant en EHPAD, diversité des pathologies présentées)

  • Défi social (évolutions de la cellule familiale et nouvelles aspirations des personnes âgées)

  • Défi financier (nécessité d’une politique d’investissement dans un contexte économique contraint, sur le plan individuel et collectif)

Une évolution impérieuse au regard de l’évolution démographique

A l’instar de la situation nationale, la région Pays de la Loire connaît un processus de transition démographique caractérisé par une augmentation de la longévité des Français et une croissance forte et continue des classes d’âge les plus élevées. La population âgée de plus de 75 ans augmentera ainsi de 130 000 personnes de 2012 à 2027, soit une hausse de 2,1% par an1. Ce vieillissement de la population devrait se traduire par la forte augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes (106 000 personnes seraient dépendantes en 2030, soit une augmentation de 45% en 20 ans)2.

Ainsi, l’entrée en EHPAD est de plus en plus tardive, avec un niveau de dépendance et de troubles cognitifs augmenté. 86 % des personnes âgées de plus de 75 ans résidant en institution sont dépendantes, contre 13 % des personnes vivant à domicile. Parmi elles, 91 % présentent des limitations physiques (contre 53 % à domicile) et 68 % des limitations cognitives (contre 16 % à domicile). Deux types de pathologies vont de pair avec la vie en EHPAD : les maladies neurodégénératives et les troubles psychiques3. Les pathologies présentées sont de plus en plus diverses : les résidents en EHPAD cumulent 7,9 pathologies en moyenne4. La durée moyenne de séjour en EHPAD tend à se raccourcir (2,2 années en 2015)5.

Une évolution du positionnement devant tenir compte de l’aspiration majoritaire de vieillir à domicile

90 % des Français préfèrent adapter leur domicile plutôt que d’avoir à le quitter si leur état de santé se dégrade6. Or, la part de personnes âgées de plus de 75 ans vivant en institution dans la région est la plus élevée de France (13,1 % contre une moyenne nationale de 9,7 %7), s’expliquant probablement par le fort niveau d’équipement. Le modèle de l’EHPAD de demain devra nécessairement s’inscrire en complémentarité avec le domicile. Plusieurs expérimentations sont en cours sur le plan national (« EHPAD à la maison : projet M@do dans le Limousin, « EHPAD à domicile » sur le territoire de Belfort, « EHPAD hors les Murs » dans l’Oise).

Une évolution du positionnement de l’EHPAD dans un contexte budgétaire contraint

Le contexte budgétaire contraint, dans un contexte patrimonial vieillissant, impose de réfléchir à un modèle d’EHPAD de demain efficient permettant de garantir une accessibilité financière. L’intégration des nouvelles technologies peut contribuer à cette efficience. De plus, le modèle d’EHPAD de demain doit être innovant, souple et modulable afin de répondre de façon réactive à l’évolution des besoins. L’EHPAD de demain doit par conséquent cumuler plusieurs exigences : rester un lieu de vie malgré une médicalisation croissante et demeurer un cadre de travail attractif (vigilance à porter aux RH dans un contexte de fuite du secteur gérontologique par les professionnels), ouvert sur son environnement.

L’EHPAD de demain connaît plusieurs évolutions : dépassant la dichotomie institution/domicile, il doit constituer une ressource à l’échelon territorial et renforcer par conséquent sa coopération avec les acteurs du territoire. L’évolution de son public, présentant majoritairement des troubles cognitifs, et de ses attentes, la pérennisation de son cadre de fonctionnement, tant au niveau des ressources humaines qu’architectural, impliquent une évolution de son projet d’établissement.

Une réflexion à porter à l’échelle du territoire

Le projet d’EHPAD de demain ne peut être pensé à l’échelle de l’établissement, mais doit s’intégrer dans une réflexion territoriale, permettant de mettre fin à la dichotomie établissement/domicile et d’assurer une véritable complémentarité entre les dispositifs. L’EHPAD peut ainsi être conçu comme un dispositif ressources, permettant un accompagnement gradué, temporaire ou permanent et proposant une expertise et/ou des prestations à destination des personnes âgées vivant à domicile sur son territoire.

Quel projet d’établissement ?

L’EHPAD de demain devra cumuler plusieurs paramètres : proposer un projet de vie pour des personnes âgées présentant majoritairement des troubles cognitifs, un accompagnement jusqu’à la fin de vie, dans un cadre médical renforcé, demeurer attractif pour les professionnels et rester accessible financièrement.

La réalisation de ces objectifs implique :

  • un changement de perception sur la place de l’EHPAD, tant du point de vue des usagers que des professionnels

  • une spécialisation dans l’accompagnement de la dépendance cognitive

  • un fonctionnement en réseau, notamment avec les structures sanitaires et les structures proposant une offre complémentaire sur le territoire

  • une politique RH renforcée (attractivité des métiers de la gérontologie, formations, parcours professionnels…)

  • une optimisation des coûts et notamment de l’investissement

  • de nouvelles modalités de gouvernance

L’évolution de l’EHPAD de demain rejoint la problématique plus générale d’adaptation de l’offre médico-sociale, dans le sens d’une plus grande diversification, permettant de s’adapter aux besoins évolutifs des personnes accompagnées, d’une médicalisation accrue (interne et par convention avec le secteur sanitaire) et, parallèlement, d’une plus grande spécialisation, permettant d’assurer l’accompagnement de publics spécifiques.

Adapter l’offre de services  afin d’assurer une graduation des soins sur les territoires

La prédominance d’une offre institutionnalisée, l’importance de la proportion de résidents relevant de GIR5-6 en EHPAD, le déséquilibre sur certains territoires entre offre en EHPAD et offre en SSIAD, d’une part, et offre en EHPAD et offre institutionnelle non médicalisée, d’autre part, montrent l’importance de garantir sur l’ensemble des territoires une diversification et une graduation de l’offre permettant d’apporter une réponse la plus adaptée aux besoins et de mobiliser l’offre institutionnelle médicalisée pour personnes âgées les plus dépendantes atteintes de troubles cognitifs.

Ainsi, l’EHPAD de demain doit :

  • Développer de nouvelles prestations permettant de répondre à un besoin de médicalisation croissant (ex : astreintes IDE de nuit), tout en préservant un projet d’animation et de vie sociale

  • S’inscrire dans une offre de territoire proposant une graduation des accompagnements en fonction des besoins (« plateforme gérontologique locale »)

  • Pouvoir proposer des modalités d’accompagnement diversifiées (AJ, HT, accueil de nuit, accueil en urgence, EHPAD à domicile)

  • Déterminer les modalités d’accompagnement de publics spécifiques (ex : PHV, malades jeunes, personnes vieillissant avec des troubles psychiatriques)

  • Déterminer ses modalités de coopération avec le secteur sanitaire, dans l’objectif d’éviter les hospitalisations inutiles.

Les conséquences de l’évolution du profil du public accueilli en EHPAD d’ici 5 ans doivent être prises en compte par une adaptation des projets d’établissement sur plusieurs volets (ressources humaines, organisation des soins, projet de vie et d’animation sociale, projet architectural…).

De plus, l’EHPAD ne doit plus être considéré isolément au sein d’un territoire, mais comme partie prenante d’une offre territorialisée graduée, de proximité, œuvrant en réseau au profit de parcours de vie et de soins fluides et évolutifs.

Du fait de son expertise liée à ses compétences internes et à son partenariat, mais également de la diversité de l’offre qu’il gère, l’EHPAD peut ainsi se positionner comme une ressource mobilisable au sein de l’offre gérontologique du territoire.

Adapter les projets d’établissement à l’évolution du public accueilli en EHPAD

L’accueil majoritaire de personnes âgées atteintes de troubles cognitifs par les EHPAD implique la conduite d’une réflexion collective, portant sur l’évolution des projets d’établissement des EHPAD. Cette réflexion devra être multifactorielle :

Evolution des ressources humaines :

  • Evolution des profils professionnels, développement de nouvelles compétences

  • renforcement de la formation (formation à la prise en charge des troubles cognitifs et à la stimulation cognitive, poursuite des formations d’assistant de soins en gérontologie, contrôle de la qualité des formations et labellisation de formateurs…)

  • renforcement des actions de prévention des risques professionnels (risques psycho-sociaux, troubles musculo-squelettiques…) et de la qualité de vie au travail

  • réflexion sur la notion de parcours professionnel, réflexion sur une « plateforme de ressources humaines territoriale » dans le cadre d’une plus grande perméabilité du personnel entre EHPAD et services à domicile et d’un partage des métiers et formations entre ces deux secteurs

  • travail autour de l’attractivité des postes (conditions salariales dégradées, présence de travailleurs pauvres), en lien avec le chantier transversal « ressources humaines »

Evolution du projet de soin :

  • Continuité des soins (ex : développement des astreintes IDE de nuit)

  • Evolution des métiers des soignants

  • Prise en charge des troubles du comportement, accompagnement de publics spécifiques (MND, PHV, troubles psychiatriques…)

  • Recours à l’expertise et aux équipes mobiles (ex : soins palliatifs, psychiatrie…)

  • Coordination avec le secteur libéral et le secteur sanitaire

  • Mise en œuvre d’actions de prévention

  • Développement de thérapies non médicamenteuses

  • Impact des nouvelles technologies (ex : télémédecine…)

Evolution du projet d’animation et de vie sociale :

  • Place des familles

  • Place des partenaires extérieurs et des bénévoles

  • Apport des NTIC

  • Ouverture vers l’extérieur

  • Modalités de conciliation entre projet social et projet thérapeutique

Evolution du projet architectural :

  • Réflexion sur les unités

  • Apport des NTIC

  • Accessibilité en termes de reste à charge

Partenariat et intégration dans l’environnement :

  • Intégration au sein des structures de coordination locale

  • Apport de Viatrajectoire

  • Partenariat avec le tissu local (social, culturel et sportif…)

  • Communication vis-à-vis de l’extérieur pour valoriser l’image de l’EHPAD

Conduire une réflexion sur l’apport des nouvelles technologies :

Cette proposition donnera lieu à la conduite d’un groupe de travail partenarial début 2018.

Constituer des « pôles de services gérontologiques locaux »

Porteurs de prestations multiples sur le territoire (médicales et paramédicales, restauration, animation, accueil diversifié), les EHPAD peuvent constituer une ressource territoriale en termes d’expertise et/ou de mise à disposition de prestations vers le domicile.

L’objectif des « pôles de services gérontologiques locaux » est de proposer une offre d’accompagnement diversifiée de proximité (domicile et institution), permettant de répondre à la diversité des besoins d’accompagnement sur le territoire. La mise en œuvre de ce dispositif repose sur la constitution de pôles de services ou la mise en réseau de services, à l’échelle du territoire, associant des offres graduées et diversifiées (ex : accueil de jour, accueil d’urgence, hébergement de nuit) avec des prestations coordonnées.

Elle peut également s’exercer par la mise à disposition par l’EHPAD de prestations de service à l’attention des personnes âgées vivant à domicile (ex : actions de prévention, permanence de soins, animation, lutte contre l’isolement social, restauration, accompagnement des aidants), voire par le développement d’expérimentations d’EHPAD « hors les murs ».

Ces pôles doivent ainsi permettre d’éviter les risques de rupture par une connaissance renforcée et un suivi régulier des personnes sur les plans sociaux, psychologiques et médicaux.

La constitution de ces « pôles de services gérontologiques locaux » est potentiellement porteuse d’effets secondaires bénéfiques, notamment sur le plan RH (possibilité de proposer des formations communes, des parcours professionnels évolutifs…).

Ils conduisent à une évolution du positionnement de l’EHPAD sur le territoire, en tant que ressource mobilisable du fait de sa connaissance des personnes en situation de rupture sur le territoire, de son offre diversifiée et de son réseau partenarial, notamment sanitaire.

Le modèle d’EHPAD de demain est donc ouvert sur l’extérieur, diffuse des connaissances sur le territoire (EHPAD comme centre de ressources), afin de permettre l’accompagnement de personnes âgées à domicile. La complémentarité entre EHPAD et SSIAD doit être renforcée, avec une perméabilité du personnel (assurer le suivi à domicile et en EHPAD par les mêmes personnes). Le modèle d’EHPAD à domicile est également à promouvoir.

Elle conduit à une évolution du mode de gouvernance vers une gouvernance territoriale et à une plus grande fongibilité dans les financements.

Les EHPAD doivent ainsi s’inscrire dans une filière gériatrique et la palette de l’offre sur le territoire doit s’adapter à la logique de parcours.

Deux points de vigilance sont mis en avant :

  • Prendre en compte la multiplicité des situations

  • Prendre en compte le territoire : notion d’empowerment des territoires, avec une multitude de possibles (ex l’EHPAD en ruralité peut être un lieu de compétences en matière de prévention, d’animation..)

Cette action suppose :

  • Une identification des acteurs sur le territoire, ainsi que des atouts/faiblesses du territoire en matière d’offre (ex : diagnostic territorial MAIA)

  • La mise en réseau et la coopération des acteurs (interconnaissance, partage des procédures d’admission, des disponibilités de places, définition de modalités d’accès en urgence, partage sur les situations, partage de systèmes d’information…)

  • La détermination d’une gouvernance territoriale, une évolution du positionnement des directeurs dans le sens d’une gouvernance renforcée

  • Une réflexion sur les modalités de financement

  • Un accompagnement de l’évolution des ressources humaines

Ce dispositif pourrait être constitué sur des territoires suffisamment matures en termes de coopération et de partenariat, à l’occasion notamment d’opérations d’adaptation de l’offre médico-sociale. Il implique au préalable la constitution d’un cahier des charges régional (groupe de travail en 2018).

  • Recherche documentaire

  • Partage des enjeux et leviers avec la commission spécialisée médico-sociale de la CRSA et avec les DT

  • Atelier spécifique avec des représentants de la CRSA

  • Sous-chantier à relier au sous-chantier répartition et accessibilité de l’offre et aux chantiers investissement, RH et sous-chantier USLD

  • Etude INSEE – ARS Pays de la Loire, Pays de la Loire : 33 000 personnes âgées dépendantes supplémentaires d’ici 2030, février 2012

  • Etat de santé et dépendance des personnes âgées en institution ou à domicile, Etudes et résultats, DREES, décembre 2016

  • En EHPAD, les résidents les plus dépendants souffrent davantage de pathologies aigües, Etudes et résultats, DREES, décembre 2016

  • Evaluation des besoins médico-sociaux des personnes âgées, DOA, décembre 2016

  • Sondage Opinionway pour l’observatoire de l’intérêt général, 2012

  • STATISS 2015

  • Rapport “l’adaptation de la société au vieillissement de sa population : France : année zero !” Luc Broussy

  • EHPAD : vers de nouveaux modèles ?, KPMG, décembre 2015

1 Evaluation des besoins médico-sociaux des personnes âgées, DOA, décembre 2016

Etude INSEE – ARS Pays de la Loire, Pays de la Loire : 33 000 personnes âgées dépendantes supplémentaires d’ici 2030, février 2012

3 Etat de santé et dépendance des personnes âgées en institution ou à domicile, Etudes et résultats, DREES, décembre 2016

4 En EHPAD, les résidents les plus dépendants souffrent davantage de pathologies aigües, Etudes et résultats, DREES, décembre 2016

5 Evaluation des besoins médico-sociaux des personnes âgées, DOA, décembre 2016

6 Sondage Opinionway pour l’observatoire de l’intérêt général, 2012

7 STATISS 2015

Aller plus loin

Les livrets du PRS

Ce livret du PRS fait partie de la collection de documents constitutifs du Projet Régional de santé 2018-2022 (PRS).

Il constitue l’un des documents d’évaluation des besoins médico-sociaux du PRS.

Il reflète les travaux conduits en 2016 et 2017 par l’agence régionale de santé avec ses partenaires pour l’évaluation des besoins médico-sociaux de la région.

Il trace les perspectives d’évolution dans une vision prospective à 10 ans et sa traduction opérationnelle à cinq ans.